A la veille de Noël et des achats sur internet, les fraudes bancaires sont du pain bénit pour les escrocs. Notamment les arnaques au faux conseiller bancaire. Elles ont explosé avec une hausse de 78% des cas en 2023, représentant près de 379 millions d’euros de préjudice. Les escrocs, toujours plus sophistiqués, usurpent le numéro de la banque de leur victime et les manipulent au téléphone pour obtenir des données sensibles.
Face à ces fraudes de plus en plus nombreuses la Cour de cassation a décidé que les banques devaient assumer leur part de responsabilité. Elles doivent désormais rembourser leurs clients victimes de ces escroqueries, comme l’a confirmé un récent arrêt du 23 octobre 2024. Cette condamnation a été rendue à la lumière de ce qu’on appelle la « négligence grave » qui est inscrite dans le code monétaire et financier, notion derrière laquelle se cachaient les banques pour ne pas rembourser les clients floués.
Table des matières
Les différents types de fraudes bancaires
Le phishing ou l'arnaque à la carte bancaire
Le phishing est l’escroquerie classique qui consiste à envoyer des mails / SMS frauduleux pour soutirer de l’argent à sa victime.
Qui n’a jamais reçu de SMS de la CPAM indiquant qu’il faut mettre à jour la carte vitale ou bien du service des impôts qui demande la régularisation de la dernière taxe pourtant déjà payée ?
Ce sont bel et bien des tentatives d’hameçonnage (d’où le nom de phishing) et la victime va fournir des données personnelles telles que les coordonnées inscrites sur sa carte bancaire.
Pour se prémunir de cette tentative il faut déjà avoir en tête qu’aucun organisme officiel ne vous demandera de fournir des données personnelles telles que la carte bancaire par mail ou sms.
Pour vérifier si le site internet est fiable, il faut avoir quelques petits réflexes :
- vérifier que le cadenas est présent dans la barre d’adresse ou que soit indiqué https.
- vérifier les éventuelles fautes d’orthographe ou de grammaire
- être à l’affut des logos et traquer une mauvaise reproduction (facile à réaliser, surtout avec l’IA).
- contacter directement l’organisme qui vous a écrit le mail afin de confirmer avec eux qu’ils sont à l’origine de la demande.
Concernant le remboursement de la somme débitée, la banque devra vous rembourser uniquement si le montant débité est supérieur au montant que l’on vous a annoncé. Pensez à conserver des preuves si le montant vous a été communiqué par écrit (courriel, facture, photo de l’écran, etc.).
Cette possibilité est prévue par le code monétaire et financier à l’article L.133-25 du Code monétaire et financier.
La fraude au virement bancaire
Cette fraude consiste pour l’escroc à avoir accès aux comptes et à l’espace client de sa victime et de s’y mettre en tant que bénéficiaire.
Ce procédé reste un mystère sur le mode opératoire des pirates mais quoi qu’il en soit, la victime n’a pas cliqué sur un SMS suspicieux ou n’a jamais accepté une opération bancaire.
Dans ce cas là, il n’y a aucune négligence grave et il faut contester immédiatement l’opération auprès de la banque et en demander le remboursement au titre des l’articles L 133-18 et L 133-19 du Code monétaire et financier.
A savoir, la banque est tenue de rembourser dans un délai très court (à la fin du premier jour ouvrable suivant la contestation). Si la banque a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur alors elle peut prendre plus de temps pour rembourser.
Depuis le 19 aout 2022 la banque se voit appliquer des pénalités en cas de retard de remboursement (article L 133-18 du Code monétaire et financier).
Le spoofing téléphonique ou l'arnaque au faux conseiller bancaire
C’est la nouveauté des derniers mois : le faux conseiller bancaire. Ce cas de fraude peut bluffer les plus avisés d’entre nous.
L’escroc appelle le client et se fait passer pour son conseiller bancaire (parfois même en utilisant le même numéro de téléphone que le vrai conseiller). Votre faux conseiller vous indique avoir repéré des mouvements frauduleux sur votre compte bancaire. Avec des paroles convaincantes et rassurantes, l’escrocs amène sa victime a valider des paiements qui apparaissent sur son écran, dans son espace client. Par ces actes, la victime se retrouve avec des opérations frauduleuses d’un montant à faire pâlir un milliardaire.
Ce cas de fraude est appelé « l’arnaque au faux conseiller bancaire » est en hausse en 2023 et pose la question de l’interprétation de la notion de négligence grave énoncée au – IV de l’article L 133-19 du CMF : Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17. »
Jusqu’au 23 octobre 2024, les banques se cachaient derrière cette notion pour ne pas rembourser les clients victimes de cette escroquerie bien ficelée.
Que faire en cas de fraude bancaire ?
Prévenir la banque immédiatement
Si vous constatez des mouvements suspicieux sur votre compte ou que vous vous rendez compte que vous êtes victime d’une arnaque, faite opposition à la carte bancaire et/ou contester l’opération auprès de votre banque.
La procédure de chargeback c'est quoi ?
C’est ce que l’on appelle la rétrofacturation. Cette procédure permet normalement au consommateur d’obtenir un remboursement de l’achat effectué par carte bancaire.
Attention, cette procédure n’est pas prévue par la loi mais est prévue par les éditeurs de cartes bancaires. Ainsi, pour en bénéficier, il faut que la procédure soit prévue dans le contrat entre votre banque et l’éditeur de carte bancaire ( Mastercard, Visa etc).
La procédure est prévue pour les cas :
- d’une fraude
- d’une transaction non autorisée sur le compte bancaire (après un vol de la CB)
- d’une souscription abusive à un service suite à un achat (une assurance par exemple)
- d’un litige avec le vendeur qui ne veut pas rembourser alors qu’il le devrait (produit non reçu, non conforme etc).
La transaction doit avoir été effectuée par carte bancaire, c’est la seule condition.
Pour mettre en œuvre la procédure de remboursement, il faut se tourner vers sa banque en premier lieux et si elle ne connait pas, vous pouvez vous tourner directement vers l’éditeur de votre carte bancaire.
Une fois lancé et si une procédure est bien prévue, il faut suivre leur procédure et patienter.
Si malgré la présence de la procédure, vous n’arrivez pas à obtenir le remboursement, il faut saisir le médiateur.
Vous ne voulez pas aller jusque là ? Pensez à la mise en demeure! Vous avez toute la procédure ici.
Le dépôt de plainte est il obligatoire ?
Il est possible que votre banque vous demande la copie du dépôt de plainte pour continuer d’instruire le dossier. Cette demande n’est pas prévue dans la loi et ce n’est pas un prérequis pour débloquer l’indemnisation.
Néanmoins, et afin de gagner du temps, vous pouvez porter plainte contre X sur papier libre auprès du procureur de la république. Cela vous évite un refus de prendre la plainte de la part du commissariat.
Attention, dans la plainte restez factuel et ne laissez pas entendre que vous avez été négligeant. Pour rappel, la banque doit démontrer la négligence grave, elle ne se présume pas.
Est ce que la banque peut rembourser toutes les fraudes bancaires ?
Le principe : le remboursement des fraudes classiques
Si votre carte bancaire été volée, ou bien qu’elle a été piratée et que des achats ont été faits sans que vous ayez validé quoi que ce soit, la banque doit vous rembourser immédiatement au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant votre signalement (Article L.133-18 du Code monétaire et financier).
L’exception : le non remboursement pour négligence grave du client
Lorsque vous avez été sur un site frauduleux, que vous avez vous même fait l’opération et que vous avez validé via l’authentification forte, malheureusement la banque pourra estimer que vous avez fait preuve de négligence grave conformément à l’article L 133-19 -IV du code monétaire et financier.
Il a quelques mois, la cour de cassation a eu affaire à un cas particulier d’escroquerie, qui sévit depuis quelques mois : le spoofing téléphonique.
Quel recours en cas de spoofing téléphonique ?
On l’a déjà indiqué plus haut, le spoofing téléphonique est le fait pour l’escroc d’appeler sa victime (parfois avec le même numéro) et de se faire passer pour son conseiller bancaire afin de lui soutirer de l’argent.
Jusqu’à aujourd’hui, les banques refusaient tout remboursement. Elles estimaient que le client avait commis une négligence grave au sens de l’article L 133-19 du Code monétaire et financier.
Mais c’est sans compter le dernier arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 23 octobre 2024.
Zoom sur la jurisprudence du 23 octobre 2024 :
Le client a été victime d’un spoofing. Ici l’escroc a demandé au client de supprimer cinq personnes de sa liste des bénéficiaires puis de faire de nouveau l’ajout des bénéficiaires en renseignant son code confidentiel. Le piège s’est refermé sur sa victime.
La cour a estimé, dans son arrêt, qu’il n’y avait pas de négligence grave car la victime ne pouvait pas se douter qu’il ne s’agissait pas de son banquier puisque le numéro de téléphone qui s’affichait était identique à celui de sa conseillère bancaire habituelle.
Deux jours plus tard, la victime s’est rendue compte de l’escroquerie et a été débitée de plusieurs virements frauduleux qu’elle n’avait évidemment pas autorisés.
Il a demandé à sa banque le remboursement des sommes prélevées. Sa banque a refusé en estimant qu’il avait commis une négligence grave.
Conséquences de la jurisprudence de la Cour de Cassation :
Par cette décision, est rappelée aux établissements bancaires l’importance de renforcer leurs dispositifs de sécurité et d’informer leurs clients des risques de fraude. Les banques doivent agir avec diligence pour protéger leurs clients et rembourser rapidement les victimes, sauf preuve d’une négligence grave.
Cet arrêt de la Cour de Cassation est protecteur à l’égard des consommateurs victimes d’escroqueries par téléphone.
La décision de la Cour de cassation réaffirme que, même en cas de manipulation par un tiers, il incombe à la banque de rembourser les sommes détournées si la négligence grave de la victime n’est pas clairement établie.
Qu'est ce qu'une "authentification forte" ?
C’est un dispositif, mis en place par votre banque, qui permet d’authentifier de votre identité par au moins 2 éléments :
- un élément de connaissance (mot de passe, question secrète etc)
- un élément de possession (le téléphone par exemple).
- un élément biométrique (face ID, empreinte digitale etc)
Cette authentification est obligatoire pour les transactions d’au moins 30 euros en France depuis mai 2021.
Certains commerçants peuvent demander à leur banque d’autoriser des exemptions à la double authentification pour certains cas :
- les achats de plus de 30 euros peu risqués.
- les dépenses régulières sur un même site.
- les paiements chez un e-commerçant ayant peu de fraudes ou désigné comme un bénéficiaire de confiance.
Le saviez vous ?
En cas d’usurpation d’identité, vous pouvez vous tourner vers notre article dédié : usurpation d’identité, comment se protéger.
Si vous avez un contrat de protection juridique, pensez à nous contacter, nous sommes là pour vous aider dans vos démarches ou pour vous fournir de l’information juridique.
A retenir
- Si vous avez le moindre doute concernant le site internet sur lequel vous êtes, ne continuez pas votre paiement et fermez la page internet.
- Avant de régler ou de cliquer, vous devez avoir plusieurs réflexe (vérifier l’orthographe, que le site est sécurisé, avoir en tête qu’aucun site officiel ne demande les coordonnés bancaires ou des données personnelles par mail ou téléphone etc..).
- Si vous n’êtes pas du tout à l’origine de la transaction frauduleuse et que vous ne l’avez pas autorisé par l’authentification forte alors la banque doit vous rembourser.
- Si vous avez été escroqué via un site internet frauduleux mais que vous avez autorisé la transaction par une authentification forte alors vous avez commis une négligence grave qui vous prive de votre droit à indemnisation.
- C’est à la banque de démontrer que vous avez commis une négligence grave.
- La nouveauté est qu’en cas d’escroquerie telle que le spoofing téléphonique (ou autrement dit l’arnaque au faux conseiller), la banque ne peut plus refuser de vous rembourser car la négligence grave ne peut plus être retenue (sauf si des éléments permettent d’établir le contraire).